Toilettes sur cour
Qu’on soit poète, paltoquet ou baladin, on va tous au petit coin. Pourtant ce n’est pas toujours le même endroit. Le nom varie au gré de nos envies : certain.e.s l’appellent feuillées — ce qui n’est pas sans rappeler le jargon militaire —, d’autres le nomment titas, d’autres encore l’appellent deutés en référence au Deutéronome 23 ; 13 : « Tu auras parmi ton bagage un instrument, dont tu te serviras pour faire un creux et recouvrir tes excréments, quand tu voudras aller dehors. ». On retrouve aussi dans la francophonie les termes de latrines et longaignes et, plus sobrement, les unités marines disent se soulager dans la mer.
Mais ces différences ne s’arrêtent pas au nom ! Si on s’y intéresse de près, on peut faire une véritable typologie de la cuvette. On trouve le trou simple (d’une profondeur d’environ 1 mètre sur 70 cm de largeur), le trou avec deux planches pour poser les pieds, le trou avec poutre basse pour s’asseoir, le trou avec quatre poutres basses et une lunette, le trou avec une poutre haute pour se tenir les mains, le trou entièrement recouvert d’une caisse percée et dotée d’une lunette, et enfin les toilettes en dur notamment celles du propriétaire et évidemment celles du supermarché pour l’intendant.
Voilà pour la cuvette, reste encore à explorer les cloisons qui, elles aussi, connaissent nombre de variations. On peut d’ores et déjà les diviser en deux catégories : les décapotables et celles couvertes. Pour les premières on peut lister les cloisons à quatre, trois, deux ou un mur ; à partir de deux murs souvent la nature obstrue un autre côté et à cela est ajouté un son reconnaissable à l’approche de quelqu’un. Certaines unités ne mettent pas de cloisons du tout, mais un panneau bien en amont pour signaler la disponibilité du trône. En ce qui concerne les toilettes couvertes, on retrouve les mêmes que les décapotables avec en addition une cloison stellaire au-dessus du trou, à celles-ci on peut ajouter la cabine en tissu avec porte — qui est à l’origine vendue comme une cabine de douche. Pour en finir avec les cloisons, la matière du mur diverge et varie en fonction des lubies. Certains groupes vouent un culte à la bâche, si bien que dans le local finit par apparaitre une étagère estampillée « bâche à caca » pour ne pas s’emmêler les pinceaux. D’autres préfèrent le tissu et souvent utilisent un reste de tente canadienne, et d’autres encore fabriquent une cloison en tressant du bois souple et du feuillage (les puristes parlent de noisetier et de fougères).
À tout ces éléments on pourrait ajouter les dispositifs pour garder le papier toilette au sec ou ceux pour suspendre une poubelle ou encore ceux qui visent à éviter les odeurs, mais on n’en finirait plus de lister les différentes ingéniosités. L’essentiel est de noter que peu importe nos techniques et savoir-faire, il faut que l’endroit soit confortable pour qu’il soit fréquenté et ainsi éviter les missions de fin de camp « ramassage caca dans les hortensias ».
Richard Renard