Le vécu des personnes LGBTQIA+ dans le scoutisme
Bien qu’orientation sexuelle/romantique ne rime pas avec scoutisme, nos éducateur·ices sont les premières représentations que nous avons, en dehors de notre famille proche par exemple. D’un point de vue personnel, le scoutisme a été une part inhérente de ma vie à tout âge. Je ne serais pas la personne que je suis aujourd’hui si je n’avais pas vécu mon adolescence entourée de jeunes et d’animateur·ices partageant mes valeurs et me permettant d’apprendre sur les autres et sur moi-même.
Je me suis récemment demandé si mon cheminement en tant que personne LGBT avait été influencé par mes années en tant que jeune dans mon mouvement de scoutisme.
J’ai été assez privilégiée de par mon entourage bienveillant quant aux questions de genre et de sexualité mais j’ai voulu faire un état des lieux du vécu des personnes LGBTQIA+ qui m’entourent.
C’est ainsi qu’est né l’idée de cet article.
J’ai lancé un appel sur les réseaux sociaux et dans ma sphère privée pour recenser les témoignages de personnes ayant vécu leur coming-out (moment où on annonce à son entourage sa sexualité, identité de genre etc) au sein des scouts.
Je vous laisse avec toutes ces histoires inspirantes qui me laissent penser que d’une part : nos jeunes n’ont pas l’air traumatisé·es par le « lobby LGBT » et sont souvent nos premières sources de soutien (un enfant ne pense jamais par principe qu’une autre personne devrait être stigmatisée parce qu’elle a été assignée du « mauvais » genre à la naissance par exemple !).
Aussi, l’image que certain·es se font du scoutisme comme un environnement tradi, oppressant et sans tolérance pour les personnes LGBTQIA+ n’est pas avérée.
En somme, l’accueil et le dialogue autour et AVEC les personnes LGBTQIA+ est important dans le scoutisme, comme vous pourrez le lire au travers des témoignages que j’ai reçu. En effet, la société « nous » stigmatise suffisamment, le scoutisme est un refuge pour beaucoup et la représentation ainsi que l’acceptation sont indispensables à la construction personnelle des jeunes.
Sur ce, bonne lecture !
Rose
Vocabulaire
- Outer/être out : être ouvertement LGBTQIA+, en parler ouvertement
- Proud : fièr·e
- Safe : sécurisé/en sécurité
Besoin de représentation
« Je pense que si j’avais eu besoin d’en parler j’aurais pas été à l’aise, en repensant à mes chefs je me vois pas trop leur en parler puisque je connais pas leurs ouverture là-dessus. On manque énormément de représentation et on en parle vraiment pas. »
« Mon ancienne cheftaine avec qui j’ai grandi des louveteaux jusqu’aux caras (nb : caravelle, filles chez les 14-17 ans chez les SGDF) ne s’est outée auprès de nous qu’après, quand on entretenait plu des relations chefs/ jeunes mais plus potes et je pense que ça m’aurait réellement aidé si elle en avait parlé. (…) D’autant plus que si un chef reste plusieurs années, est présent l’année et aux camps, il prend une place dans la vie du/de la jeune »
« Je pense que j’aurai eu besoin d’avoir autour de moi des chefs de cette communauté ; mais aborder le thème n’aurait pas été de refus du tout »
« Pour vivre son homosexualité de manière épanouie, il faut rencontrer d’autres homosexuel·les. D’une part parce que sinon, l’hétéronormativité finit par s’imposer à toi comme une évidence, et tu ne penses même plus à la questionner. »
« Aujourd’hui, je considère qu’être Out et Proud est une nécessité : 1 pour aider des gens à sortir du placard et 2 pour contrebalancer l’hétéronormativité et le virilisme en vigueur dans certaines parties de nos mouvements. »
« C’est comme ça qu’on renvoie le signal que l’on est un endroit safe (encore faut-il l’être) »
« C’est grâce aux éclés (nb : éclaireurs) que j’ai « découvert » que j’étais bi en rencontrant à un camp national d’autres personnes LGBTQI »
« Si nous avons été plusieurs à nous retrouver, cela veut dire que nous prenons une place non négligeable, mais que nous sommes invisibilisés. »
« Je ne leur (nb : les jeunes) ai parlé de mes histoires avec des gars que lorsque je ne les avais plus en responsabilité. Je me disais : « ça ne les regarde pas ». Mais à la réflexion, je crois que si j’avais osé, je l’aurais fait. Ne serait-ce que pour la capacité de mise en confiance que cela génère. »
Oppressions et insécurités
« Sinon sur mon camp de l’année dernière par exemple, 80% de la maîtrise était lgbt, mais aucun·e jeune ne le savait, je pense qu’on avait trop peur de la réaction des jeunes (et pour ma part, surtout celle des parents). C’est surtout un sentiment de lassitude anticipé, j’ai vraiment la flemme de me prendre des remarques homophobes des parents »
« Je pense que ça mettait assez mal à l’aise les gens, mais globalement j’étais encore pas mal à l’écart donc pas de sentiment d’être particulièrement comprise ou acceptée »
« J’ai mené des batailles pour ne plus que les chefs utilisent quotidiennement les termes pédé, enculé, pute, comme des insultes. »
« Le sexisme est ambiant aux EEIF (nb : Éclaireurs et Éclaireuses Israélites de France) avec des normes de genre très prégnantes, ce qui fait que je me suis pris énormément de remarque parce que je ne me conformait pas à mon genre assigné (féminin). »
« Il y a aussi une LGBT phobie (…) de la part de certains, mais suffisamment prégnante pour que les chefs/animateurs réagissent peu voire pas quand ils sont témoins de remarques et insultes liées. »
« Mon groupe est pas très très progressiste sur tout ce qui touche à la transidentité y’a de l’éducation à faire et clairement je suis pas là pour ça »
« Je voulais essayer de changer la culture de l’intérieur avant de comprendre que j’avais été trop atteinte dans ma confiance en moi pour ça et qu’il fallait d’abord que je prenne confiance pour pouvoir transmettre quoi que ce soit. »
« On a tenté de faire invalider une de mes formations notamment avec l’argument que j’avais une « idéologie LGBT », on a tenté de m’empêcher de porter mon foulard scout arc en ciel, avec toujours l’argument suivant : on accueille tout le monde, mais on ne veut pas de militantisme. Être une personne LGBT, c’est être dans une lutte constante pour avoir une place. »
La communauté scoute comme refuge
« Cette année je suis chef Pioka (nb : Pionniers-Caravelles, 14-17 ans chez les SGDF), j’ai mis mes nouveaux et anciens au courant qui l’ont très bien pris en disant que ça les regardait pas de toute façon »
« Mais en général vraiment les scouts sur tout ce qui a été question lgbt, j’suis tombé sur de bonnes personnes et ça m’a permis de m’évader pendant des années de l’environnement toxique de chez moi »
« Les éclés sont un des espaces où cela a été le plus facile pour moi, il y a eu quelques questions mais très vite mon identité de genre a été acceptée et respectée par tout le monde. Cela a fait réfléchir quelques parents (mais qui trouvaient ça très bien), et ça a été aussi pour moi l’occasion d’animer quelques temps avec des jeunes pour discuter de transidentité. »
« Pour les pronoms c’était un peu plus compliqué, mais je voyais que les gens autour de moi faisaient des efforts »
« J’ai eu l’occasion de nombreux et beaux échanges sur la foi, le scoutisme, la communauté et leur place dans l’Église (puisque nous sommes un mouvement catholique), avec de très beaux messages d’espérance en l’avenir »
« C’est la première fois de ma vie que j’ai trouvé une « famille ». »
« Mais de mon côté, ce que j’ai aimé c’est finalement l’indifférence si je disais « je vis avec ma copine ». Il n’y avait ni fierté, ni honte, beaucoup de neutralité, et ça dans la vie d’une personne qui vit avec une femme ça fait du bien, juste c’est normal. »
« Les éclés, c’est vraiment un milieu dans lequel je me sens en sécurité. Il y a des modules de formations genre et sexualités durant chaque tremplin, les gens sont safe et pas mal ouverts donc c’est cool »
« Je pense que dans ma génération, les SUF (nb : Scouts Unitaires de France) sont devenus assez tolérants, même si ce n’est pas un sujet à discussion. »
Ressources : le jeu Non mais genre -dispo sur la boutique du scoutisme, le site du groupe Genre et Sexualités des EEDF (https://galilee.eedf.fr/wp/genre-et-sexualites/)
Remerciements : Merci à toutes les personnes qui m’ont fait confiance et m’ont envoyé leurs témoignages. Je n’ai pas pu tout inclure ici mais vous avez été d’une aide précieuse. J’espère que les témoignages des un·es et des autres vous feront plaisir à lire.