Hommage à David Graeber
Il nous a quitté le 2 septembre 2020 à seulement 59 ans, alors même qu’il nous rassurait sur son état de santé quelques jours auparavant. Il nous a semblé important pour un journal d’inspiration libertaire de rappeler qui il fut.
Son œuvre intellectuelle, une des plus influentes du monde anglo-saxon selon le New-York Times, fut au service de son engagement anarchiste et des intérêts du prolétariat. Anthropologue, il est l’auteur de livres iconoclastes dont je citerai les plus connus : Bullshit Jobs, Dette : 5000 ans d’histoire, Bureaucratie, Pour une anthropologie anarchiste. Bien que débordants d’érudition, ces textes passionnants sont tout à fait accessibles au grand public : son style y est agréable, convivial, glisse volontiers des traits d’humour, des anecdotes personnelles ou des formules délicieusement provocatrices. Il m’a fait aimer les sciences sociales parce qu’il a su démocratiser le savoir plutôt que de le “vulgariser” avec condescendance -qualité bien rare parmi les universitaires ; une telle pédagogie devrait servir d’exemple à tout acteur-ice de l’éducation populaire.
Issu d’un milieu ouvrier, il n’a jamais trahi sa classe en dépit de son brillant parcours universitaire et est resté fidèle à la lutte jusqu’au bout (son tout dernier tweet aura d’ailleurs été pour s’opposer à la dépolitisation du combat écologique). Il était investi dans le syndicalisme révolutionnaire et dans l’altermondialisme, et a fait partie des premières figures du mouvement contestataire Occupy Wall Street. « Ne dites pas de moi que je suis un anthropologue anarchiste, demandait-il, car je vois l’anarchisme comme quelque chose que l’on fait plutôt que comme une identité». Puissent ces mots résonner en nous comme un appel à l’action.
L’intellectuel, le militant, l’homme, nous manquera. Au revoir David Graeber, le monde était un peu plus beau avec toi.
Eli Rhamba