« Break the norm »
Quand on veut avoir une démarche éducative pour lutter contre les discriminations (qu’elles concernent des personnes racisé-es, LGBTQI+, avec un handicap, … ), on a souvent une approche par les valeurs. En simplifiant, on parle des personnes « différentes » et on essaie de susciter compréhension et empathie au nom de nos valeurs pour amener à « accepter et respecter » ces autres.
De la pédagogie de la tolérance…
Elise Devieilhe1 appelle ça « la pédagogie de la tolérance ». Elle repose sur l’idée que les inégalités et les discriminations sont causées par la haine, la peur ou la méconnaissance. En caricaturant, ce sont les gens méchants ou ignorants qui peuvent avoir des comportements racistes, homophobes ou validistes. La tolérance est présentée comme une valeur positive et moderne, un objectif à atteindre.
Oui mais. Si évidemment, la lutte contre les agressions ouvertement transphobes ou racistes est nécessaire, c’est une vision réductrice.L’enjeu réel, quand on est victime de discriminations, ça n’est pas d’être toléré·e.
… à la pédagogie critique de la norme
Elise Devieilhe préfère une autre approche, plus riche : la pédagogie critique de la norme. C’est un courant qui vise à rendre visibles les normes sociales, puis à les interroger pour les changer. Contrairement à l’optique de la tolérance (dont le but est de faire accepter les personnes « hors-normes »), le but est de s’intéresser à ce qui est « normal », pour comprendre progressivement comment s’organisent des rapports de pouvoir et des situations inégalitaires.
Mais concrètement, dans une démarche éducative, ça apporte quoi de s’intéresser aux normes plutôt qu’aux victimes de stigmatisations ? Le petit livret Break the Norm propose trois réponses :
- Éviter d’oublier que les personnes pour qui on anime peuvent être elles-mêmes « hors-normes » et victimes de discrimination. Dans un groupe de jeunes, tout le monde n’est pas toujours hétéro ou cis.
- Développer l’esprit critique sur les normes elles-mêmes. Comment fonctionne la norme hétérosexuelle, est-ce qu’on contribue à la faire vivre?
- Limiter le risque de reproduire sans le vouloir les normes. Débattre uniquement du droit à la procréation médicalement assistée des LGBT, c’est considérer que celui des hétéros et cisgenres va de soi.
Un livret d’activités
Le petit livret Break the Norm propose des activités pensées pour les organisations de jeunesse. Il est issu du travail d’associations suédoises, et n’existe qu’en anglais. Vous le trouvez via tout bon moteur de recherche ou sur le site du Conseil de l’Europe.
Son intérêt est double :
– enrichir votre propre réflexion, si vous ne connaissez pas encore bien cette approche
– vous outiller concrètement. Quand on anime, on reste parfois bloqué-e à l’étape « tolérance », et ceci même lorsque on est habitué-e à questionner la norme et les privilèges.
Maud, avec la relecture active de Lagora Phœbe
1 Elise Devieilhe a écrit une thèse de sociologie, Représentations du genre et des sexualités dans les méthodes d’éducation à la sexualité élaborées en France et en Suède.