30 janvier 2023

Fuck you, very very very much

Par allumefeu

TW : Violences homophobes

Apprendre la vie en communauté, vivre de belles amitiés, vivre des aventures uniques dans la nature, sortir de chez soi et rencontrer d’autres jeunes de milieux sociaux différents,… autant de choses que je suis heureux de vivre dans le scoutisme. Scoutisme que j’ai commencé jeune, à 8 ans, et sans discontinuité alors que j’ai la vingtaine aujourd’hui.

Sauf que maintenant justement j’ai grandi, j’ai eu le temps de découvrir que le scoutisme est pluriel et qu’il existe de nombreuses manières de le vivre. Je suis encore membre des Guides et Scouts d’Europe, une association de scoutisme catholique qui en France est plutôt proche des tradis de l’Église. Ainsi être quelqu’un d’ouvert aux autres religions, qui peut se qualifier “de gauche”, dans cette asso c’est souvent difficile. Et pourtant je reste, malgré l’homophobie latente et autres comportements discriminants. Je reste attaché à une pédagogie qui m’a beaucoup apporté et que je suis heureux de partager aujourd’hui à des jeunes qui ont besoin d’entraide, d’aventures et d’amitiés.

Ce qui me pèse le plus ? L’homophobie qui est évoquée plus haut. Comment peut-on dire dans ses textes être pour un idéal de paix et dans le même temps, sans que cela soit écrit ou institutionnalisé, discriminer des personnes pour leur sexualité ?

Un exemple sera toujours plus parlant. Je m’occupais d’adolescents de 12 à 17 ans, les éclaireurs/scouts. L’un d’eux, Thomas (prénom modifié pour garantir l’anonymat), à la troupe depuis le début de l’année, nous a révélé, aux autres chefs et à moi, qu’il avait une attirance pour un autre garçon de la troupe durant le camp d’été. Après cette confidence, entre chefs nous avons pris la décision de ne pas en parler à ses parents avec qui la relation était compliquée pour Thomas et de l’accompagner. *

Mais, au bout de quelques jours, alors que nous n’en avions pas parlé de nouveau entre nous, notre chef de groupe m’appelle (j’étais le directeur de camp) : « Thomas ne va pas pouvoir rester au camp, je vais téléphoner à ses parents, ils vont venirle chercher ». J’étais abasourdi. Impossible de lutter du haut de mes 21 ans. Je ne savais pas quoi faire. J’avais été trahi, mais par qui ? À qui pouvais-je en parler en toute confiance ? Que dire à Thomas qui lui va en subir les conséquences alors qu’il se sent bien au camp ?

La violence de ce départ du camp a été couplée à une rapidité d’exécution incroyable. En moins de 24h sans vraiment dire au revoir à ses amis, Thomas avait quitté le camp sans motif. Et nous n’avons plus entendu parler de lui du jour au lendemain.

Ce n’est qu’après avoir digéré le camp et surtout cette histoire que j’ai osé demander des explications à mon responsable. C’est avec une froideur extrême que j’ai eu droit à un simple : « Il n’avait pas sa place avec les autres, tu sais les homos peuvent rester entre eux. »

Pensant à un comportement homophobe isolé de la part de mon responsable j’ai fait remonter l’information à l’équipe de bénévoles du département. D’abord aucune réponse, le néant. Avant qu’au bout de plusieurs semaines au détour d’un rassemblement un de bénévoles ne vienne me voir et tente le plus diplomatiquement que possible de m’expliquer que c’était mieux comme ça et je devais ne pas en parler.

C’en était trop, j’ai quitté ce groupe pour aller ailleurs mais avec une forte amertume et un fort sentiment de culpabilité vis-à-vis de Thomas que j’aurais pu aider. Je l’ai finalement revu presque un an après le camp. Il avait arrêté tout scoutisme et a dû se confronter à ses parents qui n’ont pas du tout été compréhensifs. Il n’attendait plus qu’une chose c’était de partir de chez lui pour ses 18 ans ce qui lui laissait encore un an d’attente environ.

Aujourd’hui je suis toujours membre de mon association, toujours chef, mais l’envie de partir est tenace, de claquer la porte. Une petite lueur d’espoir me fait rester, celle que quelqu’un m’a chuchotée : faire bouger les lignes de l’intérieur, « les assos (…) changent parce que des gens mettent des mots sur ce qui ne va pas et se bougent pour que ça change ».


Bélier

La redac tient à rappeler que ce qui est décrit ici est une discrimination basée sur l’orientation sexuelle, punie par le code pénal, et relève d’un signalement à Jeunesse & Sport.