8 juin 2022

Nuit scoute et clitoris, l’oxymore impossible ?

Par allumefeu

Lundi 27 septembre 2021, un post du Scoutisme Français est partagé sur le Cercle scout (NDLR : un groupe Facebook). En quelques heures, il accumule plus d’une centaine de commentaires, et ceux-ci sont bientôt fermés avant qu’une guerre n’y éclate.

Ce post ? Un simple partage de l’affiche pour la Nuit scoute au campus universitaire de Poitiers. Son thème ? « Nuit scoute et Clitoris ».

Il n’y avait pas de contexte pour accompagner, rien qu’un dessin et le titre, mais il faut croire que cela a suffi pour faire remonter à la surface, et avec violence, les réactionnaires de nos mouvements.
Pour certain·es, mettre ainsi le mot et l’image du clitoris était une communication agressive et provocatrice, d’autres trouvaient cela « sexiste » (« on va discuter prépuce aussi ou ce ne sera que gynocentré ? »), quand ce n’était pas à la limite du scénario pornographique.

Je pourrais continuer longtemps le florilège, parler de celleux qui criaient à « l’idéologie féministe », ou de celleux qui regrettaient que les Scouts et Guides de France (oui, parce que les autres mouvements impliqués dans le projet n’avaient même pas le droit d’être cités dans les récriminations) soient devenus un placement de produit depuis leur prise de positions pour la Pride, mais allons plutôt au plus important.

Car au milieu de tout cela il y avait ce message : « L’éducation sexuelle n’a pas sa place aux scouts ».
Vraiment ?

Je pourrais aller chercher nos projets éducatifs, vous parler de co-éducation des filles et des garçons, mais j’ai juste une question : Pourquoi ?

Pourquoi l’éducation sexuelle n’aurait-elle pas sa place aux scouts ?
(Je vous laisse méditer le temps d’un petit point de contexte)
Revenons à cette fameuse « Nuit scoute et Clitoris ». Déjà pour comprendre, il faut savoir ce qu’est la Nuit scoute et pourquoi le clitoris.

Donc :

Grand Un : la Nuit scoute sur le campus

Depuis 5 éditions, le Collège du Scoutisme Français du Poitou, composé des SGDF, EEDF et EEUDF, organise une soirée avec repas, animation et nuit sous la tente sur le campus de l’université, dans le cadre du mois d’accueil des étudiant·es. Depuis 2 ou 3 ans, elle est souvent axée sur un thème en particulier, en rapport avec l’actualité scoute ou universitaire.

Grand Deux : le Clitoris (point de cristallisation de toute cette histoire)

Un long récit à lui tout seul. Mais pour résumer, une statue de clitoris avait été érigée sur le campus pour faire parler des violences faites aux femmes, en particulier sexuelles. Statue qui a été volée non pas une, mais deux fois, et jamais retrouvée la seconde.

Grand Trois : Nuit scoute et clitoris

La soirée et son thème se sont développés autour du centenaire des Éclaireuses et ce contexte universitaire autour du clitoris, en collaboration avec Emma Crews, l’artiste à l’origine de la mise en place de la statue sur le campus, mais aussi d’autres associations comme l’AMGE, Nous Toutes 86, Transmission 86 ou encore les étudiant·es relais santé de l’Université de Poitiers.

Tous et toutes rassemblé·es et motivé·es pour discuter et transmettre autour de la question des violences faites aux femmes et aux minorités de genre, de la place des filles dans le scoutisme, de nos actions et savoirs-faire autour de l’éducation à la vie sexuelle et affective, ou même encore un petit cours d’anatomie.

Au regard de tout cela, elle paraît encore si terrible et hors de propos notre Nuit scoute ?

Mais revenons à ce commentaire : « L’éducation sexuelle n’a pas sa place aux scouts »

Pourquoi ? En quoi est-ce si choquant ? Parce que ce devrait être cantonné au cercle familial, et ainsi empêcher nos jeunes d’avoir plus d’un son de cloche quant à ce qu’est la sexualité (quand ils en ont bien un, car tous les parents n’abordent pas le sujet) ? Parce que ce serait chose trop terrible que de parler de consentement, rapport au corps, masturbation ou relations sexuelles, et ainsi continuer d’entretenir des tabous qui font plus de mal qu’ils ne protègent réellement ?

Je crois sincèrement en l’éducation, et en ses bénéfices qui sont toujours meilleurs que de laisser dans l’ignorance sous prétexte de protéger. Et si notre éducation est populaire, je pense qu’elle doit aussi être globale, et que l’éducation sexuelle a autant sa place dans nos mouvements que toutes les autres. Ce d’autant que je nous crois capable de nuance, et d’apporter à chaque jeune les réponses qu’il est prêt et désireux de recevoir au moment opportun.

Parce que oui, en voulant à tout prix protéger les enfants du projet « Nuit scoute et clitoris », certains en ont oublié de lire le « sur le campus », et donc que cet évènement était adressé à un public étudiant. Avant de s’acharner sur un mot, lisons ceux qui l’entourent.

Et finalement ?

Parce qu’après tant de réactions, de contre-réactions et de débats, qu’en est-il réellement de cette Nuit scoute ? Elle s’est, au contraire de ce que le virtuel aurait pu laisser prévoir, étonnement bien et sereinement passé. Aucune des personnes présentes durant la soirée, que ce soit celles venues là en connaissance de cause ou de celles qui passaient par là, n’a trouvé à redire du thème, et elles sont au contraire rentrées satisfaites de leurs échanges avec les différents intervenants, du repas ou du grand jeu organisé. Comme quoi peut-être qu’allier Scoutisme et Clitoris peut être intéressant, voire fun ?

En conclusion, je voudrais citer la parole d’un internaute qui faisait partie de ceux qui ont défendu l’évènement lorsque celui-ci a été publié sur le Cercle Scout, appelé à se renseigner avant de s’emballer, et qui répondait alors à l’interrogation indignée de quelqu’un qui se demandait comment on avait pu arriver à un tel projet : « On arrive à ce genre d’évènement en éduquant des filles et des garçons »

Gomme