Moudenc papers et activisme impromptu
« Article 6 : la guide, le scout, participe à la construction d’un monde de justice et de paix* »
Attention, je lance un pavé (mais je vous promets que l’histoire est bien)
Peut-être que certain’e’s s’en souviennent…
Le samedi 16 octobre se tenaient les cent ans du groupe scout de St Etienne, le plus vieux groupe scout de la ville de Toulouse. Pour cette occasion, une gigantesque messe est organisée à la cathédrale du même nom, avec une flashmob sur la place et pompon sur la Garonne, l’invitation du maire avec tout le gratin, c’est-à-dire préfet & compagnie.
Le maire de Toulouse, c’est Jean-Luc Moudenc, soutien indéfectible de La Manif Pour Tous. Il devait être sur place pour remettre des médailles de jeunesse et sport à un chef et une cheftaine (pour la parité).
J’avoue que j’ai été très interloquée : un homme qui représente une entreprise de haine dans un évènement scout, SGDF ? Quel est le rapport entre les hommes politiques et les scouts ? Pourquoi s’incruste-t-il chez nous ?
Ajoutez à cela que les médailles ne sont pas allées aux plus méritant’e’s, mais seulement à celleux qui ont bien accepté puisqu’il semblerait qu’un grand nombre de personnes étaient en désaccord avec la manière dont l’évènement était organisé… et où tout avait été décidé dans le dos des chefs de la manière la plus antidémocratique possible.
J’apprends la chose à peine une semaine avant le jour J ; je me dis que je ne peux pas laisser faire ça, et ni une ni deux je lance un appel sur les réseaux sociaux pour trouver des personnes intéressées pour monter une action.
Je vous passe les détails mais nous nous sommes finalement mises d’accord pour venir le jour J avec des pancartes et distribuer de courts tracts avec l’explication de notre démarche.
Ça y est, le grand moment est arrivé.
Moudenc arrive sur scène, nous surgissons de la foule avec nos pancartes et nos uniformes pour ne pas que l’on nous prenne juste pour des manifestantes sorties de nulle part, puis nous montons sur les marches devant l’estrade (c’est le monument qui est configuré de cette manière, nous n’étions pas sur la scène nous n’en avons pas eu besoin).
Je vous passe aussi les invectives que nous nous sommes prises dans la gueule, la peur qui me tordait le ventre de me savoir en face de tout mon groupe scout et de tous ces gens qui m’avaient vue grandir, le risque de s’outer** et j’en passe.
En fait il semblerait que beaucoup de personnes nous aient approuvées mais ce ne sont pas celles qui se sont le plus manifestées malheureusement…
Nous avons discuté avec des cadres (territoriaux et nationaux) ; il a bien sûr fallu s’imposer par le verbe et la verve, encore une fois j’abrège parce que ça ne sert à rien de retranscrire une conversation qui, la moitié du temps, consistait à nous accuser de gâcher l’évènement. Tout ça duré au moins une heure, j’étais tellement stressée qu’aujourd’hui encore j’ai l’impression que ce moment de ma vie a duré une éternité.
Ce que j’en retire : « chez les SGDF on ne voit pas les différences mais seulement les humains car nous vivons dans un monde de bisounours, donc il ne peut pas y avoir de discrimination, on est tous pareils donc on est tous égaux », ajoutez à ça le meilleur ami gay utilisé comme caution (même si dans les faits ça ne les dérange pas d’inviter un gars qui milite pour que leur ami n’existe pas), etc, etc.
Je le ferais mille fois encore.
Après notre happening, un des responsables du territoire nous a dit que si nous voulions discuter des questions de l’inclusivité des LGBT chez les SGDF, nous pourrions peut-être intervenir à l’AG, à condition d’avoir quelque chose de sérieux et de tangible à proposer.
Aujourd’hui, le 18 mars 2022, une pétition au nombre de signatures record est en ligne sur la plateforme de pétitions des SGDF ; en effet, il ne nous aura fallu que soixante-douze heures pour récolter plus de trois cents soutiens.
Aujourd’hui encore, quand certains membres de mon mouvement me rappellent ce que j’ai fait, c’est encore sur un ton moralisateur, me reprochant « la forme », de ne pas l’avoir fait « de la bonne manière ».
Mais quelle manière, d’avoir mis un coup de pied dans la fourmilière, d’avoir participé -je l’espère- à une vaste remise en question du mouvement ainsi qu’à son évolution ! Je ne regrette rien, et si c’était à refaire, je le ferais mille fois encore, quitte à passer pour la méchante activiste de service que je suis.
By Raphi, adhérente au lobby depuis 2001 et adhérente aux SGDF depuis 2008
*Il s’agit de l’article 6 de la loi scoute des SGDF
**Outing : révélation de l’orientation sexuelle et/ou de l’identité de genre d’une personne LGBTI à l’insu de cette dernière ou contre son gré (source : SOS homophobie)