Pour un scoutisme critique de la famille
Pour assurer la sécurité affective et physique d’un-e jeune, il est nécessaire qu’iel puisse évoluer dans des cercles de sociabilité distincts, afin de pouvoir se reposer sur l’un si l’autre dysfonctionne. Dans le cas extrême d’un-e enfant subissant des violences de la part d’un de ses parents, nos espaces scouts devraient lui inspirer suffisamment de confiance pour qu’iel se sente libre d’en parler à ses responsables scouts. Mais le sera-t-iel, s’iel sait que ses responsables rapportent sans réserve ses faits et gestes à ses parents, de telle sorte qu’à ses yeux, les premiers sont les auxiliaires des seconds ? Je gagerais que non. C’est précisément la distinction entre les différents cercles de sociabilité qui laisse place à la possibilité essentielle de se confier.
Au delà de sa simple sécurité, cette distinction est également importante pour le bon épanouissement du/de la jeune. En effet, dans chaque cercle de sociabilité, nous finissons par endosser un certain rôle social qui nous colle plus ou moins à la peau, et auquel nous nous conformons parfois malgré nous. Grandir dans des cercles bien distincts permet au/à la jeune d’expérimenter de nouvelles façons d’être soi avec les autres, de se découvrir peut-être différent-e de l’image à laquelle iel croyait correspondre, de déjouer l’assignation à un rôle unique et à une cohérence comportementale manifeste. Iel n’est pas le même avec sa famille qu’avec son groupe scout, et c’est tant mieux.
Il s’agit donc de tenir à distance le groupe scout des familles, en évitant une collaboration trop étroite avec elles qui ferait du scoutisme la continuation de l’éducation domestique, mais aussi de la famille en tant que système. C’est-à-dire que notre rapport avec les jeunes ne doit pas être une énième déclinaison du rapport parental, comme cela s’observe dans tant d’institutions. Lae mineur-e a le droit d’entretenir avec des majeur-e-s des relations autres que celles du contrôle parental, de la surveillance, de l’interventionnisme. Des relations où iel n’est plus sans cesse considéré-e comme un danger pour ellui-même, où le métier qu’iel fera plus tard n’est plus le souci majeur, où iel n’est plus envisagé comme le produit d’une reproduction. Offrir au/à la jeune des relations où son autonomie de sujet désirant est reconnue : n’est-ce pas en cela qu’un mouvement de jeunesse peut être révolutionnaire ?
Eli Rhamba