23 septembre 2021

À quoi sert le rôle de chef·fe d’équipe ?

Par allumefeu

Pourquoi transposer aux jeunes que nous accompagnons cette dynamique poussiéreuse de domination de gouvernance par la personne la plus expérimentée au sein d’une équipe ?

Déjà ce sujet m’a fait me poser beaucoup de questions, jusqu’à même celle de « à quoi servent nos équipes dans nos mouvements et pourquoi sont-elles les derniers vestiges [dans de nombreux mouvements] séculaires de nos pratiques étriquées ? » (pas d’équipes mixtes, hiérarchisation des rôles dans une équipe, création des équipes en fonction des dynamiques (ex : l’équipe qu’on caractérisera comme l’équipe des mous ou l’équipe des filles super actives)).

Mais bon, à quoi sert le rôle de chef·fe d’équipe qu’on appellera responsable d’équipe par la suite ? Pour comprendre son utilité comme elle est pratiquée dans les mouvements que je connais, il faut comprendre les tâches qui lui sont allouées et dont iel est responsable :

  • Organiser les réunions d’équipe
  • Veiller au bien-être de chacun·e au sein de l’équipe
  • Être un relai entre les responsables et son équipe
  • Pour certain·es tranches d’âge et mouvements, avoir une place dans la vie politique du mouvement en participant à des assemblées décisionnelles.
  • Certainement d’autres missions pour cette responsabilité que je n’ai pas relevées.

Le rôle de responsable d’équipe est souvent donné aux personnes les plus méritantes, les plus matures, les plus expérimentées dans le scoutisme, les plus éloquentes, les plus centrales de l’unité. Et en réalité, avec la responsabilisation actuelle dans nos unités de ce rôle social et l’image qu’il reflète c’est tout à fait normal que les responsables d’équipes soient des « chef·fes », des personnalités à ego comme énoncé dans le titre racoleur.

Cependant, en prenant toutes les missions une par une, n’importe quel·le jeune, acompagné·e selon ses besoins et peu importe la tranche d’âge, peut parvenir à les accomplir. L’organisation des réunions d’équipe peut être confiée à n’importe quel·le jeune et cela peut tourner à chaque réunion d’équipe. La position de relai entre la maitrise et l’unité peut être confiée à « une personne relai » et non forcément « un·e  chef·fe d’équipe », de même pour la responsabilité sur le bien-être, pourquoi le·a responsable santé n’aurait pas cette tâche ? Concernant la vie politique aux assemblées décisionnelles, de même pourquoi sacraliser les plus de 16 ans et pas ouvrir à toute la tranche d’âge ? Pourquoi ne pas aller plus loin que de faire encore une fois des plus vieux de la tranche d’âge des personnes admirées ? (Enfin pour ça, il faudrait que les instances démocratiques en questions soient viables et non des ramassis de fausse démocratie.)

Là vient mon ultime bafouille sur ce fameux rôle de chef·fe ou responsable d’équipe. Que ça soit pour les 8-11 ans et ce jusqu’aux 14-17 ans, tous·tes les responsables d’équipe deviennent des Khan, des Jarl en herbe, des Princes aux yeux de leurs congénères. De base, il existe déjà de grandes dynamiques d’admiration pour les ancien·nes au sein de nos unités par les camps ou projets passés, les potins en tout genre et les anecdotes d’explos croustillantes. C’est un fait et qui n’a pas rêvé de ressembler aux plus grand·es ? Cependant, le rôle de responsable d’équipe vient parfois apporter un peu plus de cerises sur cette forêt noire (pâtisserie à la cerise griotte).

Nombre de fois qu’on entend « l’équipe de Damien à la douche » ; « C’est quelle équipe de petit dej demain ? Euh la tente du fond, l’équipe de Damien » ; « Et c’est l’équipe de Damien qui remporte le concours cuisine ! « (désolé pour les lecteurs s’appelant Damien, vous passez à la trappe sur ce coup et ce, sans passer par la case départ). Même si nous essayons de donner des noms créatifs et enjoués aux équipes ces lapsus arrivent souvent dans nos camps… (et Lacan vous dirait que le lapsus lie l’inconscient au réel, et si Lacan le dit…). De quel droit Damien pourrait-il être la seule représentativité de son équipe ? La République est-ce lui ? Bref, après ce trait d’esprit mais néanmoins exemple concret (et non l’action concrète : )) ), on voit que c’est dans de nombreuses bouches et têtes qu’une équipe est égale à une personne et non à une somme de personnes, ce qui est pourtant la base de la pédagogie scoute de notre cher vieux tonton Baden.

Et là je vous vois venir les boomers qui sont resté·es jusqu’au bout de mon article, [au passage bravo de l’investissement]. Vous allez me dire, ce ne sont que quelques cas isolés de prises de melon soudaines et que nous, dans mon groupe, nous éduquons nos jeunes au vivre ensemble dans la différence et la bienveillance. Pourquoi mettre des hiérarchies si on veut vivre ensemble ? Cela sépare, divise, intronise directement sur le papier, dans l’inné de la mission de responsable d’équipe qui veut, factuellement, prendre soin des différentes personnes d’une équipe.

Avons-nous donc besoin de sacraliser les responsables d’équipe en proposant cette mission à nos unités ?

Avons-nous besoin d’offrir encore plus d’orgueil et de hiérarchie au monde du scoutisme alors que ces deux vices sont déjà en train de sévir à tous nos coins de tentes (dans nos villes et nos campagnes) ?

Ne pouvons-nous être un peu plus zumba-caféw avec la hiérarchie pour une fois au sein de notre si cher scoutisme ?

Si vous êtes prêt·es à vous frotter à des équipes de groupe et des parents qui vous diront qu’il n’y a plus d’époque ou plus de saisons, vous leur répondrez que bon… on a bien supprimé la ratatouille en boite donc on peut bien supprimer les chef·fes d’équipe…

Arval