8 février 2021

Pour un scoutisme sans religion

Par allumefeu

En défense du scoutisme laïque

Pour la plupart des gens, scoutisme = catho, y compris chez beaucoup de scouts. Pourtant il existe depuis les origines un scoutisme laïque, qui fait partir plusieurs milliers d’enfants en camp chaque année. Un scoutisme qui ne privilégie aucune approche spirituelle (1). Ce texte n’a pas vocation à discuter de la religion en soi mais de sa place dans le scoutisme. Chaque religion a ses spécificités, elles ne sont pas toutes monothéistes. Chacun.e est libre d’avoir les croyances de son choix, même si les sciences humaines nous apprennent pourquoi on a plutôt celles-ci que celles-là. Cet article défend l’idée que le scoutisme confessionnel est, par essence, opposé aux principes libertaires en particulier et aux principes de l’éducation populaire en général.


L’éducation populaire, une éducation à l’esprit critique


Nous disons toutes et tous que nous voulons aider les jeunes et nous aider nous-mêmes à penser librement. Nous sommes contre l’endoctrinement et contre le formatage. C’est la base de l’éducation populaire, depuis ses débuts : former des personnes libres et donc à l’esprit libre. A ce titre, il apparaît très nettement qu’emmener les jeunes à la messe, les faire prier ou suivre des interdits alimentaires religieux est incompatible avec ces principes. Nous nous occupons de jeunes à partir de 8 ans, voir 6 ans. Ce sont des éponges, nous le savons bien. Qui peut penser que l’on peut leur apprendre à penser librement, à remettre en question tout ce qui vient d’en haut quand régulièrement on va les faire asseoir deux heures ou plus à écouter un mec qui nous explique la Vérité Vraie ?


L’office religieux n’est qu’un aspect du problème


La religion n’est pas présente que dans la messe ou son équivalent. Et le fait de laisser la possibilité à un enfant de ne pas y participer ne fait pas tout. La religion est partout dans le scoutisme confessionnel : les bénédicités, les “temps spi”, la prière scoute avant de dormir, le prêtre, la progression technique, les symboles, le projets éducatifs, les rôles dans la maîtrise, les temps religieux pendant les AG, etc. On ne s’en rend pas compte quand on a baigné dedans depuis ses huit ans, mais faites un camp jumelé avec un groupe laïque et regardez leurs têtes !

C’est pour ça que l’idée d’être “confessionnel mais ouvert à tous et toutes” est fondamentalement hypocrite.

Imaginez un enfant qui ne veut avoir aucun rapport avec la religion, quelle qu’elle soit, qui peut penser qu’il sera réellement à sa place dans votre mouvement, pourtant officiellement ouvert à tous et toutes ?


La conversion comme horizon


Si l’on va plus loin, on peut considérer que le scoutisme confessionnel soi-disant ouvert à tous et toutes est un oxymore et en réalité un espace d’évangélisation, de conversion. En effet, imaginons un enfant qui vient d’une famille athée mais sans opinion sur la religion. Il commence à 6 ans et fait toute sa vie dans un mouvement catholique (mais ça marche pour toutes les religions), entouré d’enfants ultra majoritairement catholiques, qui va à la messe plusieurs fois dans l’année et dans le camp, qui fait des bénédicités, des prières, voit ses ami.es faire leurs communions, leurs confirmations, qui va peut-être aller à un rassemblement régional ou national ou une AG avec une messe immense, etc. Qui peut soutenir sérieusement que s’il décide de se convertir c’est librement et sans pression sociale ?

La paille et la poutre


Nous avons eu et avons encore plusieurs exemples de mouvements de jeunesse ou para-scouts plus ou moins ouvertement politiques. Ces mouvements mettent souvent mal à l’aise même le/la plus militant·e du bord en question parmi nous. Quand la loi des Faucons Rouges (ancien mouvement de jeunesse, affilié à l’Internationale Ouvrière) dit : « nous voulons devenir des militants des organisations ouvrières » nous pointons l’embrigadement. Mais lisons les textes de promesses et de loi des associations scoutes confessionnelles : elles placent toutes l’enfant sous le regard de Dieu, à qui il doit faire confiance, demander son aide, etc.

Les associations de scoutismes confessionnelles placent toutes l’enfant sous le regard de Dieu

Sans parler des logos et insignes de ces associations : un enfant athée doit porter un symbole religieux sur le cœur. Combien parmi vous ont des ami.es (ou vous-mêmes) athées responsables dans un groupe confessionnel ? Combien parmi vous restez dans votre association parce que vous y êtes depuis vos huit ans et y avez tous vos potes mais êtes mal à l’aise avec la religion ? Dans combien d’unités on essaye de s’arranger pour aller le moins possible à la messe ? Vous donnez votre temps et votre énergie à un mouvement, êtes-vous sûr.es d’être vraiment en accord avec les buts et les moyens de ceux-ci ?


Crevette
(1) Il y a deux associations laïques agréés en France : les Eclaireuses et Eclaireurs de France et la Fédération des Eclaireuses et Eclaireurs.