17 décembre 2020

Pourquoi la thèque est un mauvais jeu ?

Par allumefeu

Réfléchissons ensemble sur les jeux que nous animons. Souvent nous pensons qu’ils se valent à peu près tous mais nous verrons que, comme tout, ils sont éminemment politiques et transmettent des valeurs et des visions du monde.

Être choisi·e en dernier

Le chef désigne deux capitaines (souvent les plus sportif·ves du groupe) et chacun·e leurs tours iels vont désigner une personne qu’iels veulent dans leurs équipes. Jusqu’à choisir le ou la dernier·e, dont personne ne veut le plus souvent. On a tous et toutes vécu cette situation, pourrie à plusieurs niveaux. Combien sont ceux et celles dégouté·es des activités sportives parce qu’ils ou elles ont été choisi·es en dernier·es toute leurs jeunesse ? C’est le premier aspect, auquel tout le monde pense. Mais en plus, cette façon de faire transmet une certaine vision du jeu : celle où le but est de gagner à tout prix, même celui de l’humiliation des “faibles”.

Honneur et prime au vainqueur

Il faut réfléchir à qui s’amuse réellement au cours du jeu. Est-ce que celui qui est vraiment nul s’amuse autant que celle qui maîtrise tout ? Prenons la thèque : la personne qui peut re-batter c’est celle qui a fait un tour, autrement dit celle qui a le droit de rejouer c’est celle qui est déjà douée. C’est valable dans beaucoup d’autres jeux comme la sioule (est-ce que celle de 12 ans s’amuse vraiment ou c’est seulement ceux de 16 ans et les chefs ?) ou la balle aux prisonniers.
Ajoutons que dans ce dernier jeu, c’est encore plus pervers : les règles du jeu avantagent l’équipe qui a peu de joueur·ses encore en jeu, il est donc plus rentable de laisser les moins bon·nes en prison et de laisser jouer deux ou trois très bon·nes, c’est contre-productif du point de vue de la victoire d’essayer de faire libérer les moins bon·nes.

Beaucoup de jeux ont des mécaniques qui avantagent ceux et celles qui sont déjà en train de gagner.

Éliminer les perdant·es, évidemment la meilleure façon de les faire progresser !

Et encore, à la balle aux prisonniers, les perdant·es ne sont pas tout simplement assis·es sur le bord à regarder les autres jouer ! Qui n’a jamais fait une veillée Loup-Garou, villageois·e et éliminé·e au premier tour ? Yes, une super soirée ! Et le mieux c’est le ou la maître du jeu qui n’a de cesse de répéter : « les morts ne parlent pas », attends tu croyais que t’étais là pour t’amuser ?
L’aspect aléatoire de l’élimination au Loup-Garou n’est pas forcément meilleur que celui qui consiste à éliminer les perdant·es. Honneur aux vainqueurs, honte aux vaincu·es, est-ce la société que nous voulons ? Est-ce que ce sont les jeux auxquels nous voulons jouer ?

Quelques alternatives

Mais alors, comme dirait un célèbre chef scout, que faire ? On peut imaginer des variantes, des idées en vrac : ce sont les responsables qui font les équipes, pour marquer un but il faut absolument avoir fait deux passes, interdit de marquer plusieurs buts, seul·es les moins de tel âge ont le droit de marquer, au lieu d’éliminer on fait changer la personne d’équipe, tous les X points on change les équipes, on ajoute des ballons, on fait des nouveaux jeux pour éviter que certain·es deviennent très bon·nes, etc.

Les possibilités sont infinies, en cherchant un peu on trouve assez facilement mille variantes aux jeux que nous connaissons. On peut aussi se rendre compte que dans la plupart des jeux, l’élimination n’apporte rien ou presque et on peut purement et simplement l’enlever. Ce sont des variations autour de jeux que l’on connaît déjà. On peut aussi chercher spécifiquement des jeux qui permettent à tout le monde de jouer en fonction de ses possibilités, en donnant des rôles différents à chacun·e comme au Sagamore. Ou en qui n’éliminent pas, comme au Loup-Garou en une nuit. Sans parler des milliers de jeux coopératifs imaginables.

Rossignol